L’apprentissage de l’écriture selon Maria Montessori

De plus en plus de blogs Montessori relatent des difficultés d’écriture pour une partie des enfants élevés selon les principes de cette pédagogie.
Chez Montessori mais pas que…
Chez Journal Montessori
Le fait n’étant pas anodin, j’ai eu envie de creuser la question.

Ce qui est mis en cause ? La pratique avec la main levée, le poignet en l’air, qui encre une mauvaise habitude. Le sable serait le principal responsable : le plateau a nécessairement des bords hauts. Mais d’où vient-il, ce sable ?

J’ai donc exploré le maximum de photos d’époque que j’ai pu trouver, dans les livres et sur internet et relu attentivement les chapitres concernant l’écriture du livre Pédagogie scientifique, tome 1 : La maison des enfants. Voici mes observations (il ne s’agit que de ma vision, ma compréhension, je ne prétend pas apporter ici une vision “officielle”) :

L’usage des lettres rugueuses se fait avec la main en appui sur la table, et c’est l’index qui parcours la lettre. Il est bien fait mention du parcours à deux doigts dans le livre, mais moi je le comprends comme une étape pendant la phase de recherche et non pas comme une évolution définitive. Les photos “récentes” présentes dans le livre (au vu des pantalons patte d’eph’ je dirais années 70) montre bien une enfant en train de parcourir la lettre avec l’index.

Le travail à la craie parle d’un tableau et non d’une ardoise. Le paragraphe suivant parle bien d’enfants écrivant spontanément à la plume des lettres qu’il ne savent pas encore lire. L’écriture se fait sur papier, avec une plume (ou éventuellement un crayon).

Les enfants manipulent craies et plumes, qui cassent si on appuis trop fort. De nos jours, on a tendance à interdire les porte-mines et autres critériums cassant parce que… bah je ne sais pas trop. Je vous laisserais aller lire les explications de Mme Dumont à ce sujet, comme je n’ai pas bien compris je vais éviter de déformer ses propos (et je n’ai plus son livre sous la main).

Le travail de peinture, se fait pour les plus jeunes sur des chevalets, comme c’est le cas dans la plupart des écoles maternelles publiques. Je réfléchie du coup à proposer moi aussi ce type de support…

Je n’ai trouvé aucune photos de référence d’un jeune enfant en train d’écrire avec un outil scripteur. Dans son livre, Maria Montessori explique que lorsque l’enfant est capable de remplir le tracé de sa forme à dessin d’une série de lignes parallèles qui ne dépassent pas, c’est qu’il a acquis la dextérité nécessaire à l’écriture. Et que cette étape d’entrainement est primordiale. Très clairement de nos jours, on demande aux enfants d’écrire bien avant qu’ils soient capables de réussir cet exercice, il n’ont pas assez d’heures de pratique du crayon avant de se lancer dans les premières lettres (les lettres “bâtons” sont vues en janvier de la petite section, donc à 3 ans et demi en moyenne).

Les lettres rugueuses doivent être présentée *avant* que l’intérêt de l’enfant soit porté sur la lecture. Pour mon loulou c’est déjà limite, à 4 ans et demi il est déjà à la frontière où l’expérience tactile n’a plus autant d’intérêt que l’expérience intellectuelle, il risque donc d’avoir une apprentissage de l’écriture plus long et plus fastidieux. Normalement l’âge idéal se situe vers 3/4 ans, mais mon fils ne s’intéressait pas aux lettres cursives, présentes uniquement dans les activités scolaire mais plus dans le quotidien (ce point a beaucoup changer, sur les affiches, dans les commerces c’était entre très présent). C’est seulement depuis que l’école les utilise et les enseigne qu’il leur voit un intérêt. Il n’a par ailleurs jamais été très tactile, et déteste le touché du papier de verre… (merci Balthazar pour les lettres rugueuses-douces :p)

Il n’y a, dans la méthode Montessori, AUCUN exercice d’écriture d’une lettre seule. Les enfants commencent à écrire seulement quand ils sont parfaitement près et c’est dit très clairement, leur premier acte d’écriture étant un mot complet. L’écriture dans le sable ou sur une ardoise lignée en parallèle des lettres rugueuses ne fait pas parti de ce qui est dit dans le livre. Je ne sais pas de quand date ces ajouts, je ne sais pas si ils ont été fait ultérieurement par Maria Montessori ou si ils ont le fruit d’une mauvaise interprétation des exemples qu’elle donne dans son cheminement (elle cite *un* enfant ayant écrit dans du sable dehors et *un* enfant ayant tracé spontanément des lettres de 8cm de haut similaire à celles touchées).

Les ardoises (non lignées à priori ?) sont utilisées par des enfants beaucoup plus grands, sachant déjà écrire. Vous constaterez également que sa tenue du crayon n’est pas “réglementaire” et que ça n’a l’air d’émouvoir personne.

La méthode repose donc sur :

  • la connaissance du sens de tracé des lettres (lettres rugueuses parcourues du doigt, poignet à plat)
  • la maîtrise de son crayon : tracé des formes à dessin et parallélise et non débordement du motif de remplissage
  • la capacité à composer des mots à l’aide de l’alphabet mobile

Une fois ces trois étapes acquises l’enfant écrit des mots complets et apprends à ce moment là à les poser sur les lignes. Il n’y a pas, à proprement parler, d’apprentissage de l’écriture. L’enfant se prépare puis écrit, et c’est directement en écrivant (des mots réels) qu’il perfectionne son geste.

La transposition de la méthode au français pose malheureusement quelques difficultés, si l’italien est une langue transparente accessible dès le plus jeune âge, ce n’est pas le cas du français et de sa longue collection de phonème complexes… le petit enfant va rapidement se heurter à des sons qu’il ne pourra pas écrire même en connaissant toutes les lettres.

Forte de ce nouvel éclairage, je vais :

  • cantonner le plateau de sable aux activités ludiques/reggio
  • ne pas acheter d’ardoise et l’orienter vers l’utilisation du tableau lorsqu’il souhaite laisser une trace à l’aide de la craie
  • surveiller la position du poignet lors de l’utilisation des lettres rugueuses
  • ne jamais lui faire écrire de lettre seule
  • lui proposer l’encodage à l’aide d’un alphabet mobile qui joint correctement, avec des lettres en version attache haute et attache basse. J’ai trouvé cette perle rare chez un tout petit éditeur, Caïmo, qui distribue son produit en ligne sur Amazon.

La plateau est fabriqué maison, à partir d’un plateau tout simple et de tasseaux de bois que j’ai découpé/collé.

Et vous, comment pratiquez-vous ?

 

4 commentaires

  1. Coucou, merci pour cet article très riche et inspirant.
    J’ai un Balthazar mais lettres rugueuses (bâtons), vous auriez une référence avec des lettres douces (j’ai une super sensible ici) ?
    Merci pour l’éclairage, pour l’instant chez nous dessin libre Freinet +++, 1er cahier de Mme Dumont bientôt terminé, alphabet mobile réalisé (en cursif)… on vient des Alphas, donc ma fille encode ++ en script et en police Alphas.
    Je me questionne encore pour la suite, script/cursif, lettres douces (:)) ou non…

    • Nos lettres sont celles de la boîte : https://www.editions-hatier.fr/article/le-coffret-montessori-des-lettres-rugueuses-de-balthazar-pedagogie-montessori
      Ce sont les lettres cursives en toile de jute (au touché est très agréable, je pense que dans le livre ça dois être la même matière déjà ?), sur un support cartonné vraiment bien épais. Pour le prix la qualité est là ! Le seul petit défaut c’est que la lettre t n’a pas son jambage, il faut bien faire partir le doigt du bas, contrairement à la flèche dessinée sur la carte.

      Nous aussi on vient des Alphas, il lit déjà plutôt bien en script, ce qui fait qu’il manque un peu de motivation avec les lettres cursives (et il écrit en lettres bâtons, l’école lui ayant appris). J’espère que l’envie va venir assez vite, qu’il ne soit pas “trop grand” pour se mettre à l’écriture facilement (visiblement la charnière est vers 5/6ans max). Je mise tout sur son prénom qui le motive beaucoup (mais qui n’a pas de boucle à part le e… zut de zut !)

    • Les lettres rugueuses ont été fabriquées en pédagogie Montessori pour des enfants déficients au niveau sensoriel. Vous pouvez les fabriquer avec du velours… Tous les enfants n’ont pas les mêmes besoins de toucher les lettres… Un hypersensible pourra aimer les tracer dans l’air… A chaque enfant sa particularité, à chaque éducateur de s’adapter… c’est ça la pédagogie: du bon sens et beaucoup d’outils a proposer…
      La pédagogie Montessori, comme la pédagogie Waldorf, s’appuie sur le sens ( chacun à sa façon). Chez Montessori, contrairement à l’E.N , lecture et écriture sont liées, font sens. C’est pourquoi on choisit des mots simples graphiquement afin de donner à l’enfant la possibilité de lire avec plaisir. La pédagogie d’état français n’est pas une pédagogie de plaisir mais de piège et d’effort. Je dis ça en ayant l’expérience des deux sur le plan professionnel, et en ayant fait le choix de proposer mes services maintenant en ortho-pédagogie, qui permet aux élèves de retrouver du sens aux apprentissages. L’idéal aurait été de ne pas perdre le gout d’apprendre….

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